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Christy Abou Farah

7 curiosités culturelles libanaises


Je m’appelle Christy, je suis Libanaise et je vis à Aix-en-Provence depuis Août 2021. Journaliste de formation, j’ai travaillé en tant que rédactrice culinaire puis rédactrice en chef de l’un des principaux sites Web culinaires de la région du Moyen-Orient.


Passionnée de cuisine, et ardente défenseure de la cuisine fait-maison à partir de produits frais, ou ce que l’on appelle en anglais le « cooking from scratch », je présenterai un cours de « cuisine libanaise » dans le cadre des expériences de « Delicious Origins ».


Mais avant de commencer cette aventure, j'aimerais vous présenter certains des aspects intéressants et étranges de notre culture et de nos traditions culinaires, afin que vous me connaissiez un peu plus et que vous compreniez mieux la relation des Libanais avec la nourriture.



Les Libanais ont toujours été réputés pour leur hospitalité et leur générosité. La plupart d'entre nous ont grandi dans des familles où la norme était de "gaver" ses invités. Et par invité, nous entendons toute personne qui viendrait chez nous, que nous la connaissions ou non, qu'elle soit venue pour nous voir, peindre nos murs ou réparer notre évier, ou même un passant qui s’était arrêté pour demander son chemin.


On ne dit jamais « non » à un Libanais


Attention, vous ne pouvez pas dire « non » à un Libanais si vous êtes dans sa maison. Il ne comprendra jamais que vous êtes rassasiés au point où vous ne pouvez même pas essayer ce qu’il vous offre. Il pourrait même le prendre comme une offense personnelle.


Ceci s’applique aussi pour cet énorme sac de cerises que vos hôtes ont envoyé leur petit vous cueillir pendant que vous preniez votre café avec votre 10ème biscuit, ou ce carton de trente œufs fraîchement pondus, ou encore ces dix « manoushés de Zaatar » (les fameuses pizzas libanaises garnies de thym) qu’ils vous donneront en cas de petit creux sur votre chemin de retour.


Il n’est pas rare, surtout dans les villages, de finir son déjeuner avec sa famille, puis de se diriger vers les voisins toujours attablés, et de recommencer à nouveau, surtout quand ces derniers font un barbecue. Ils vous offriront les entrées (le fameux mezzé) même si tout le monde finit son plat principal. Et il faut être prêt, un déjeuner dans le village, c’est long.


Manger, c’est partager


Tout ceci peut s'expliquer par la relation que les Libanais ont avec la nourriture. On ne mange pas seulement quand on a faim. Pour nous, la nourriture est bien plus qu'un moyen de survivre. C'est le cœur de notre vie familiale et sociale.


Le partage de la nourriture est un comportement naturel. Par exemple, notre voisine nous envoyait une grande assiette de feuilles de blettes farcies à chaque fois qu'elle en préparait, parce qu'elle savait que je les aimais. Elle invitait aussi mon père quand elle cuisait des aubergines et des courgettes, parce-que dans notre maison, on n’aimait pas l’odeur des fritures.


Des tâches partagées


Mais cet aspect de partage n’est pas limité au fait de manger seulement, parce-que tout en cuisine est une tâche partagée.

Les visites quotidiennes entre voisines sont très courantes dans les villages, pour siroter un café tout en racontant les derniers potins du quartier. Et dans un souci d’efficacité, il n'est pas rare de voir quelques-unes apporter leurs courgettes à évider, ou des feuilles de vigne à rouler avec l'aide des voisines.


Dans l'immeuble où nous vivions, nous avions deux voisines, chacune connue pour un dessert qu'elle avait l'habitude de préparer. Le premier était un « Lazy cake » préparé à l'aide de biscuits nappés d'une sauce au chocolat puis laissé durcir au réfrigérateur. Le deuxième dessert, le « Aysh el Saraya », est un flan oriental garni de pistaches, reposant sur un lit de pain rassis imbibé de sirop de sucre.


Chaque fois que ma sœur et moi fêtions nos anniversaires, nos voisines préparaient ces deux desserts. Ma mère, elle, préparait du « Jello », un dessert d’origine américaine, composé de gélatine multicolore au goût fruité à laquelle on ajoutait des morceaux de fruits frais. Elle commandait aussi un gâteau, et voilà ! Nous étions prêtes à célébrer!


40 kilos de biscuits pour 2 familles!


Pour les fêtes, la préparation du kaak et maamoul est le meilleur exemple qui illustre cette mentalité de partage. Le kaak et le maamoul sont des petits biscuits préparés par les chrétiens à Pâques, et par les musulmans pour fêter Aïd al Fitr et l'Aïd al Adha.


Dans ma famille, ma grand-mère avait l’habitude d’en préparer vingt kilos de chaque variété : dix kilos pour elle et la famille de ma tante (qui vivaient sous son toit), et le reste pour mes parents, ma sœur et moi. Chacun de nous partageait ensuite une partie de ses biscuits avec notre famille et les voisins. Le reste, nous le gardions pour l’offrir aux visiteurs qui viendraient nous souhaiter de bonnes fêtes, une tradition toujours respectée dans les villages et qui n’a pas complètement disparu dans les grandes villes. Mais comment prépariez-vous quarante kilos de biscuits en deux jours seulement, diriez-vous.


Eh bien, nous étions aidés par tous nos voisins et proches. Il y avait au mois une dizaine de personnes se partageant les tâches à chaque fois. Les jours suivants, c’était à notre tour de les aider. Et nous partions toujours avec encore plus de biscuits, pour y goûter et décider de la recette la plus réussie de l’année.


Photo : une dégustation des produits libanais par Christy au festival culturel en mai dernier


Générosité ou extravagance ?


La cuisine libanaise est généralement décrite comme généreuse et abondante, et je ne peux être plus d'accord. En plus de l'hospitalité des Libanais décrite ci-dessus, il est intéressant de réfléchir un peu à la nourriture elle-même.


La cuisine libanaise est principalement composée de mezzés. Chaque fois que nous mangeons, il doit y avoir une variété de plats sur la table. Vous ne verrez presque jamais un plat offert seul. Il faut qu'il y ait des entrées ou des accompagnements : les jours réguliers, du pain, un petit bol d'olives, des cornichons, des crudités, une petite salade de saison, de l’houmous ou du Labné… Mais quand nous avons des invités, ça devient extravagant. Et c’est là que je vois notre générosité dépasser parfois les bornes.


Je me rappellerai toujours des visites de certains parents éloignés, descendants du cousin de mon grand-père qui avait quitté le Liban à un jeune âge pour s’installer au Mexique définitivement. Ces « cousins » avaient été élevés avec une certaine nostalgie pour le Liban, et ils voulaient le visiter à chaque occasion. C’est ainsi qu’ils débarquaient en grand groupe, avec leurs amis et des familles entières, à la découverte de leurs origines.


Mes grands-parents organisaient un grand déjeuner ou dîner à chaque fois et invitaient tout le groupe, parents ou non. Parfois, il y avait plus de quarante personnes à nourrir, en plus de toute la famille au Liban.


Je me souviens qu’il y avait plus d'une trentaine de variétés de mezzés sur la table, en plus de nombreux plats et desserts ! Les préparatifs commençaient deux mois à l’avance pour être prêt pour le grand jour. En gros, c'était comme organiser un mariage tous les deux ans. Mais le plus ironique est que mes grands-parents ne pouvaient pas se le permettre financièrement, alors ils empruntaient de l'argent pour le faire. Ceci est un vrai exemple d’un besoin libanais unique et absurde d'abondance et d'hospitalité.


Une pièce réservée aux invités


Maintenant que vous avez une idée de nos coutumes de partage culinaire, laissez-moi vous présenter certaines caractéristiques « bizarres » de nos maisons.


En effet, dans chaque maison, la plus grande pièce était aménagée en salon réservé aux visiteurs et aux occasions spéciales. Ceci est en train de disparaitre avec les nouvelles générations.


La maison de ma grand-mère maternelle était un simple trois-pièces. Au lieu d’avoir des chambres à coucher appropriées pour toute la famille, mes grands-parents avaient préféré coucher les enfants (et plus tard eux-mêmes) dans le séjour. Ainsi, ils avaient un salon prêt pour recevoir les invités et visiteurs « importants ».


De plus, dans la plupart des maisons, les familles mangeaient habituellement dans la cuisine bien qu’il y avait une salle à manger. Et s'il n'y avait pas de place dans la cuisine, il y avait toujours une petite table pliante prête à installer dans le séjour où la famille mangeait au quotidien. La salle à manger était réservée aux grandes fêtes et aux invités. Les voisins et les proches parents mangeaient dans la cuisine.


Exposer sa vaisselle des grands jours


Qu’en est-il des services de table complets en porcelaine, des ribambelles de verre en Crystal ou des écrins de couverts en argent ? Pendant longtemps, ceux-ci furent les cadeaux préférés des jeunes mariés et ils étaient exposés dans les vitrines des salles à manger. Mais au moment où vous quittiez la maison de vos parents pour vous installer ailleurs, vous auriez utilisé les assiettes en porcelaine pour le dîner de Noël ou les célébrations de l'Aïd seulement, et les verres en cristal pour les mariages.


Et qu’en est-il de l'argenterie ? Eh bien, vous n’auriez jamais eu le plaisir de vous en servir, car ces couverts étaient très difficiles à nettoyer, répétait sans cesse votre maman, bien qu’elle vous oblige, deux fois par an, à aider à les frotter.


 

L'atelier de cuisine libanaise suivi par la dégustation : le 30 juin de 9h30 à 13h00, réservation ici

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